Vincent Bénard : Après le discours de l'UE du MEDEF, certains évoquaient un virage "social-libéral" du gouvernement. Force est de déchanter à la lecture des mesures du plan "Logement" de Manuel Valls, qui ne constitue qu'un très léger desserrement de l'étreinte jugulaire qui pénalise le secteur du logement depuis trop longtemps, et non pas un grand changement de paradigme politique dont le secteur aurait pourtant besoin. Les mesures annoncées ne sont que des replâtrages technocratiques d'un ensemble de politiques qui ont prouvé leur incapacité à résoudre les problèmes de logement des Français.
On va changer la durée de location de logements défiscalisés, ou permettre la location intra-familiale, on va toiletter les modalités de l'imposition de telle plus value... Rien de substantiel.
Logement social, défiscalisations diverses, dirigisme étatique, tous les ingrédients du cocktail mortifère français demeurent, là où l'on espérait un souffle nouveau de liberté.
Parmi elle, on peut noter trois mesures phares : l'abattement fiscal de 30% sur les plus-values de cession jusqu'à fin 2015 pour les terrains à bâtir, Le dispositif fiscal Duflot aménagé avec une nouvelle durée, le renforcement de l'encadrement des loyers supprimé (sauf à Paris). changent-elles véritablement le contenu de la loi ? A quels effets doit-on s'attendre ?
Je ne suis pas d'accord avec votre sélection des mesures "phare". Bien qu'elle n'apparaisse qu'en seconde position sur la page du gouvernement consacrée à ces mesures, Manuel Valls a pris soin de citer en premier lors de son intervention une application anticipée des mesures coercitives à l'encontre des communes qui ne s'engagent pas dans le logement social, un programme de logements sociaux relancé en puisant dans les réserves de la caisse des dépôts, et une mise sous tutelle par les préfets des communes qui ne construisent "pas assez" de logements sociaux. Le Premier Ministre se situe donc dans la droite ligne collectiviste de tous ses prédécesseurs depuis 60 ans : comme si le logement social était le seul espoir des familles modestes et moyennes ! Et comme il n'y a pas d'argent pour le logement social, on le fait financer par des prélèvements "furtifs" mais bien réels sur le logement privé, ce qui en renchérit encore le coût, et donc réduit l'offre globale, puisque le prix auquel les offreurs peuvent mettre leur production sur le marché correspond à une moindre demande solvable.
Pour le reste, comme je l'ai dit, les mesures annoncées ne sont que des mesurettes, du même tonneau que celles dont Nicolas Sarkozy nous a abreuvés lors du quinquennat précédent. L'encadrement des loyers ? Il n'est pas supprimé, comme on le lit partout. Il revient juste au dispositif antérieur, celui de la loi Mermaz de 1989, plusieurs fois amendé, qui laisse la liberté à la signature du bail mais encadre les évolutions annuelles du loyer et, théoriquement, les loyers de relocation. Quant aux relations bailleurs propriétaires, le gouvernement n'y touche pas: les propriétaires restent donc à la merci de mauvais payeurs. Quand bien même cela ne concerne pas un nombre très élevé de locations, ce risque contribue à dissuader environ 500 000 propriétaires de logements à ne pas mettre leur bien sur le marché, principalement en zones tendues.
La niche fiscale Duflot rendue plus accessible ? La belle affaire ! Toutes les niches précédentes, Périssol, Robien, Borloo, Scellier, ont contribué à l'augmentation générale du prix du logement, et ont favorisé un certain mal-investissement immobilier. Les gouvernements taxent d'abord et exonèrent ensuite, au lieu de penser à taxer moins en première approche !
Les plus values sur les terrains à bâtir ? Comme si là était la cause du manque de terrain constructible... Celle ci est d'abord le fruit de politiques foncières malthusiennes, traduites par les plans locaux d'urbanisme de plus en plus restrictifs, qui retirent aux propriétaires des terrains le libre choix de son affectation, et raréfient artificiellement le terrain constructible, entrainant son prix à des niveaux difficilement finançables. Quant aux allègements proposés, ils sont, une fois de plus, limités dans le temps et assortis de conditions restrictives importantes. Bricolage, agitation...
Ce plan de relance du secteur immobilier se base essentiellement sur des mesures fiscales visant à encourager l'investissement locatif et la libération du foncier. Est-il suffisant ?